CHAPITRE 22 : Ouvrir la Boite de Pandore…

Ils reprenaient leurs esprits. Tout le monde était blessé à des degrés différents mais tous étaient en vie. Cependant j'avais la vague impression qu'il manquait quelqu'un, lorsque je réalisais qu'il manquait Dante.

- Ou est-il ? Demandais-je, inquiète de la réponse.

- Il... il doit être dehors... Je... je ne sais pas... balbutia Victoria en proie à la douleur et au chagrin.

- Mon Dieu...

A toute vitesse je me ruais vers la sortie pour voir le spectacle de désolation : Dante gisait au milieu des restes noircis et ravagés de plusieurs épéistes de la mort. Il remuait faiblement.

- Mais qu'est ce qui t'as pris de jouer les héros comme ça ? Regarde dans quelle situation tu t'es mis !
- J'ai fait... on a fait... ça pour toi... alors ne te... plante pas....

Puis son regard devint vide... vide mais serein, comme si il avait accompli sa mission. Je me sentais horriblement coupable. Car après tout j'aurai pu ne pas me sacrifier pour Hermione, ce faisant je n'aurai pas privé Victoria de ce qui devait ressembler de près à un père... Mon Dieu... Puis Victoria vint près de moi, je n'osais la regarder en face tellement je me sentais coupable. Puis elle me fit face, son regard semblait mêler colère et tristesse. Sans m'adresser la parole elle prit le corps de Dante sur les épaules et sans dire un mot elle se mit en route vers la surface. Je voulus l'aider mais elle me repoussa violemment.

- Ne le touche pas ! Hurla-t-elle.

- Mais je ne pouvais pas savoir ! Mais je savais qu'elle n'écoutait pas, pensais-je...

- Laisse tomber pour le moment, laisse-lui le temps de digérer la perte de Dante. Reprit Kaathode avec sagesse. Tu connais l'effet de la perte d'un parent. Je vais aller l'aider, son souhait fut la disparition par incinération puis la dispersion de ces cendres.

- Il te l'a dit ?

- Oui. Maintenant je pense qu'il avait planifié sa mort. Dante n'est pas du genre à laisser une place au hasard.

- Mais pourquoi toi ? Demandais-je un peu surprise.

- A cause de mon esprit rationnel, en tant que Golem, j'ai certes une conscience mais une conscience différente, peut-être incomplète car les émotions sont très peu présentes. De ce fait, j'étais plus à même de comprendre le point de vue de Dante que Victoria ou même encore Titus. Et puis il ne faut pas oublier qu'il a contribué à me façonner.

- Alors qu'est ce que tu vas faire ? Demandais-je.

- Je vais aller voir Victoria avec Titus, et nous allons nous occuper du corps de Dante. Pendant ce temps, prends ces trois-là dit-il en pointant Harry, Ginny et Drago du doigt avec toi et ramènes-les en lieux sûr. Nous te contacterons rapidement pour discuter de la marche à suivre.

- Je pense que c'est la meilleure des choses à faire. Je me tournais alors vers Drago. Tu as très bien agi. Je te dois une belle chandelle cette fois...

- J'avais intérêt à ce que tu reviennes, je pense que tu es la personne la plus apte à stopper mon père et cette bande de cinglés de Saint-Pierre. Maintenant on fait quoi ?

- On rentre à Poudlard, je pense que nous avons manqué assez de cours comme ça.

- On ne va pas à la poursuite de Lucius ? demanda alors Harry.

- Pas tout de suite, il va nous falloir un minimum de préparation, Lucius est parvenue à échapper au ministère et aux Zélotes ce qui signifie qu'il ne manque pas de ressources. De plus j'ai encore quelques affaires à mettre en ordre. Allons, ne traînons pas.

Soudain je vis Ginny s'approcher de Malefoy et l'entraîna à l'écart, ils entamèrent la conversation, je les voyais sourire. Mais ce que je vis aussi c'est que cela n'avait pas l'air d'être du goût de Potter. Je le voyais s'approcher un peu trop de Malefoy et Ginny, je le retins par le bras.

- Laisse-leur un peu d'air. Si elle l'a entraîné à l'écart c'est bien qu'elle ne voulait pas être entendue par des oreilles indiscrètes.

- Tu n'as rien à dire là-dessus, me répondit Harry avec véhémence, alors qu'il allait dans la direction de Ginny. Mais pour une raison que j'ignore, il se ravisa au dernier moment.

- Pfff... quel con tu peux faire parfois, me disais-je alors que je rassemblais le reste de mes affaires.

Sur ces mots, je demandais à Harry, Ginny et Drago de se grouper autour de moi pour le transfert magique. De quelques coups de baguette, je nous fûmes disparaître, puis réapparaitre dans un couloir sombre du premier étage de Poudlard. Tout était sombre, seules quelques torches continuaient d'éclairer les couloirs de l'école historique. Je sentais l'école sereine, un peu comme s'il ne s'était rien passé ces derniers mois. Je regardais à travers un vitrail pour voir que la neige tombait abondamment. En regardant ma montre je vis alors que nous étions déjà fin décembre, en pleine vacance de Noël. En arpentant les couloirs je vis que l'école avait été magnifiquement décorée comme à chaque année...

Alors que nous nous dirigions vers la grande salle nous vûmes les professeurs McGonagall et Flitwick qui sortirent de la salle des professeurs. Lorsqu'ils posèrent leur regards sur nous, ils ne purent en croire leurs yeux, d'une part parce qu'ils ne devaient pas s'attendre Malefoy et Potter ensemble, mais également parce qu'ils me voyaient moi, Emiliana De Winther en chaire et en os.

- Par tout les chaudrons de Merlin ! Mais ou étiez vous passés ? Vous rendez-vous compte des inquiétudes que nous avons eues ? Lança le professeur McGonagall alors que Flitwick n'avait pas encore retrouvé l'usage de la parole.

- Eh bien... disons que... Commença Ginny.

- Nous sommes partis en voyage ! Lança soudainement Malefoy...

- Peu importe ! Coupa McGonagall. Allez dans vos dortoirs immédiatement... Sauf vous, Miss De Winther. Allons dans mon bureau voulez-vous.

- Je crois que je n'ai pas le choix. Je me tournais alors vers Harry, Ginny et Drago. On se voit plus tard, leur dis-je avec un petit sourire en coin.

Les trois étudiants ne se firent pas prier et chacun regagna sa salle commune. La tour de Griffondor pour Harry et Ginny et les cachots de Serpentard pour Drago.
Pour ma part je suivis le professeur McGonagall dans son bureau. J'aimais bien ce bureau. Les motifs écossais donnaient un air chaleureux à la pierre froide des murs du château. Et bien évidement je pus voir la boite en fer contenant des biscuits. Je remarquais que cette boîte était toujours pleine de biscuits lorsqu'elle voulait s'entretenir d'un sujet important. Je ne sais pas s'il y avait la moindre corrélation mais cette association d'idée me faisait sourire.

- Je suis heureuse de vous revoir parmi nous. J'espère que vous vous êtes bien reposé.

- Tout est une question de point de vue. Répondis-je en pensant à mon "repos éternel" interrompu.

- Je suppose que vous n'êtes pas disposée à me dire ce qui vous ait arrivé et je suppose que vous n'avez pas la moindre idée de ce qui est arrivé à Miss Granger.

- Je peux vous éclairer en partie sur ce qui est arrivé à Hermione Granger mais je ne pense pas être la mieux placée pour vous en parler.

- Et... Qui le serait d'après-vous ?

- Mais Hermione elle-même répondis-je le plus naturellement du monde. Cependant j'ignore quand elle décidera de revenir.

Je sentis la tristesse s'insinuer en cette enseignante pourtant dure comme le roc. J'aimerai lui dire que tout va bien se passer mais ce que j'ai vu dans l'Au-delà me fait peur, c'est encore flou mais je sais que Granger tout comme Malefoy auront un grand rôle à jouer en bien ou en mal je ne sais pas encore, mais d'une manière ou d'une autre.

- Depuis sa disparition, la Famille Weasley est plongée dans une grande tristesse, j'ai informé ses parents également...

- Gardez la foi Minerva, il arrive parfois des miracles dont certains qui contredisent les lois immuables de la magie...

- Savez-vous quelque chose que je devrai savoir ? Me demanda alors McGonagall un tantinet soupçonneuse.

- Gardez la foi et vous verrez. Je me contentais de répondre. En effet, je préférais garder sous silence l'épisode passé chez les Prétenza pour l'instant...

- Soit... j'ai cependant quelque chose qui vous appartient. Me dit-elle en me tendant un livre à la reliure de cuir. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de vos mémoires, vu le titre et les dates... mais je me dis aussi qu'il va vous falloir beaucoup de travail pour retranscrire plusieurs siècles de vie. Poursuivait-elle avec un petit sourire.

- Vous les avez lues ? Demandais-je en souriant.

- Une infime partie, j'ai trouvé cet ouvrage dans les affaires de monsieur Malefoy. Et compte tenu de l'écriture calligraphique de ces pages, j'ai vite compris qu'il ne lui appartenait pas.

- J'espère que vous ne l'avez pas sanctionné trop durement car sans lui je ne serai probablement pas là devant vous.

- Quelques heures de retenue qu'il s'est empressé d'ignorer pour disparaître à son tour. Mais puis-je savoir ce qui vous a amené à disparaître ? je suppose que vous n'êtes pas partie "en voyage" juste pour faire du tourisme ?

- Disons... que je m’emploie à reconstituer mon passé, souvenirs par souvenirs. Et là où je me trouvais, j'ai pu retrouver quelques souvenirs clés... des souvenirs qui pourraient m'aider à comprendre le présent. Du moins je l'espère. Il ne s'agissait que d'un demi-mensonge mais je ne voulais pas être la personne qui allait lui annoncer le malheur d'Hermione.

- Je vous souhaite bonne chance alors. Reprit McGonagall. Une dernière chose encore. Vous avez malheureusement raté la fête de Noël, mais puis-je compter sur votre présence pour la fête du nouvel an ?

- Vous tenez vraiment à me réconcilier avec le ministère ?

- Je maintiens que vous pourriez en tirer un bon avantage. Je vous assure que cela ne vous mordra pas. Continuait-elle avec une voix un peu empressée.

- Nous verrons.

Je pris alors congé de la directrice de l'école. Je me demandais toujours pourquoi elle tenait à me rabibocher avec le ministre de la magie. Rapidement, je me rendis dans la grande salle aux côtés de mes pairs de Serdaigle. Tout le monde voulait savoir ce que j'étais devenu... quoi de plus compréhensible ? Mais je commençais à en avoir marre de répondre systématiquement que c'était pour des raisons "familiales" ou "personnelles". Bref, j'étais pressée de finir mon dîner car il était temps pour moi de poursuivre mes mémoires. Et pour ce faire, j'allais avoir besoin de la salle de bain des préfets... Alors que je sortais, je croisais justement Malefoy... Quand on parle du loup... Cela dit, je remarquais pour une fois qu'il était seul, pas un garde du corps, pas une greluche rêvant de passer la nuit avec lui. Décidément cette petite balade à Genève l'a changé.

- Bonsoir Drago. Dis-je. Je suis surprise de te voir seul... aurais-tu congédié ton petit personnel ?

- Non pas vraiment, Emiliana, mais j'apprécie parfois la solitude et la tranquillité, j'aimerai en profiter tant que je suis à Poudlard.

- Comme je te comprends. Cependant je pense avoir besoin de ton aide.

- Décidément je suis devenu indispensable. reprit-il d'un air qu'il voulait condescendant.

- Je crois plutôt que tu me le dois bien, car sans moi cela fait longtemps que tu ne serais plus de ce monde. Répondis-je avec un petit sourire.

- Et sans moi, jamais tu n'aurais pu revenir. Reprit-il en se rapprochant de moi.

- Pfff... décidément tu es insupportable quand tu prends la grosse tête... je te préférais largement quand tu étais mort de trouille à cause des Zélotes. Me contentais-je de répondre.

Cette dernière réponse fit perde le sourire à Malefoy. En effet je venais quand même de lui rappeler que sa vie dépendait de ma capacité à le protéger même si je soupçonne qu'il ait acquis de nouveaux pouvoirs...

- Qu'est ce que tu attends de moi ? Reprit-il d'un air plus sérieux.

- Rien de bien compliqué, je veux juste que tu occupes l'appartement des préfets en chef et que tu t'assures que ta collègue féminine n'utilise pas la salle de bain.

- Pour quelle raison ? Demanda Malefoy un peu surpris.

- Tu te souviens de la nuit où tu m'avais surprise dans la salle de bain dans la plaque de Manchester ?

- Oui je me souviens aussi de la fois où tu t'es permis de squatter la salle de bain de préfets et...

- En effet, je ne m'en servais pas juste pour prendre du bon temps, mais pour m'immerger au sens propre dans mes souvenirs et ainsi me les réapproprier. Ce processus est très efficace mais assez long par conséquent il faut que je puisse m'immerger et ne pas être interrompue et je pense que la salle de bain des préfets fera parfaitement l'affaire. Et je veux que toi tu veilles à ce que personne ne me dérange durant le processus. C'est simple non ?

- Ok je vois. Tu comptes y aller quand ? Car ma collègue Héléna Robinson, une Poufsouffle, a l'habitude de se coucher assez tôt donc je te conseille de te pointer sur les coups de 22h et tu auras toute la nuit pour tes souvenirs.

- Parfait... alors à ce soir lui répondis-je en lui adressant un clin d’œil.
Malefoy me rendit un sourire. Alors que j'allais emprunter les escaliers, je tombais nez-à-nez avec Ginny qui était accompagnée... d'Hermione.

Je ne pus cacher mon sourire ! Sa présence signifiait que j'avais réussi mon pari ! Lorsque je m'approchais d'elle pour la saluer, je sentis comme une froideur, une distance...

- Hermione ? Est-ce que cela va ?

- Très bien... mais il me faut un peu de temps pour m'acclimater de nouveau à l'école. Me répondit-elle, un peu mal-à-l'aise.

- Naturellement, fis-je, le plus naturellement du monde. Mais bien sûr comme si t'avais besoin de t'"acclimater", je crois plutôt que tu n'as pas très contente de me voir. Me dis-je en fort intérieur.

- Désolée, je dois te laisser, je n'ai pas encore diné. Reprit-elle, comme pour mettre un terme à la conversation.

- Mais je t'en prie lui répondis-je en la laissant passer.

Ginny l'accompagnait elle me lança un regard d'incompréhension. Je lui fis signe de laisser tomber. Cependant je ne pouvais pas manquer le beau sourire qu'elle lançait à Malefoy... Voilà quelque chose qui risque de ne pas plaire à Potter. Pensais-je avec sourire.

Là-dessus, je pris congé de tout le monde pour regagner le dortoir des Serdaigle en attendant de pouvoir gagner l'appartement des préfets en chef. J'ouvris mon sac de voyage pour sortir quelques fioles scellées. Ces dernières m'ont été remises par Rex, lorsque j'étais dans l'Au-delà. Il aura quand même fallu que j'aille au-delà de la mort pour récupérer mon bien. Il ne me reste plus qu'à me les réapproprier. Je repensais au contenu de ses fioles des pans entiers de ma vie se trouvent là, dans ces tubes de cristal. Et dire qu'ils me permettront peut-être de comprendre pourquoi de si terribles choses se sont réalisées, j'espère me souvenir de ce "Loup Gris" mais j'aimerai aussi, découvrir quels sont mes liens avec Natalia et Mogrin, l'éminence grise du ministère. Bref beaucoup de questions nécessitant des réponses. L'heure tournait. Je pris mes affaires et me rendit chez mon cher ami Malefoy. Celui-ci m'attendait à l'entrée de la chambre des préfets posture détendue, la chemise ouverte, révélant son torse d'athlètes, mais également, petit détail insolite, un tatouage qui n'avait rien de sorcier... Malefoy a vraiment changé.

- Pile à l'heure, me lançait-il avec une voix basse teintée d'ironie.

- Tu sais que pour rien au monde je n'aurai raté pour rien au monde cette séance de bain moussant. Répondis-je avec sourire. Maintenant j'aimerai que tu laisses entrer. J'ai pas mal de chose à faire.

- Mais je vous en prie... Répondait-il en imitant très mal un majordome.

- Pfff, je me demande si je ne vais pas te noyer dans la baignoire... Répondis-je blasée.

- Tu me regretterais bien trop vite !

- Je te trouve un peu trop sûre de toi lui dis-je en entrant dans ses appartements.

Je me dirigeais vers la salle de bains. Je voyais Malefoy me suivre. Je lui fis bien comprendre que je resterai seule dans cette salle. Et pour m'assurer de sa bienveillante coopération, je pris ma baguette et fit apparaitre un mur de magie barrant l'accès à la porte de la salle de bain. J'étais maintenant tranquille. Je fis couler de l'eau et déversais les souvenir dans la baignoire. Des volutes de vapeur d'eau apparurent. Ces volutes prirent la forme de pictogrammes magiques. La langue des arcanes, pensais-je. Ces souvenirs doivent-être d'une redoutable complexité. Il va falloir faire preuve de vigilance, les quelques textes traitant de ce type de souvenirs que j'ai pu lire, parlaient d'un risque de crise de folie si les souvenirs n'étaient pas utilisés correctement. Enfin nous verrons bien. J'ouvrais à côté de moi le journal, il s'ouvrit exactement à la bonne page où il apparaissait une date.

Décembre 1755...

C'est bien à cette que le souvenir allait se dérouler. Je mis la première jambe dans l'eau, puis la deuxième. Je sentais les souvenirs affluer en moi, et pendant ce temps, des mots, des phrases apparurent sur le journal. Au fur et à mesure que je m'immergeais dans l'eau, les phrases en devinrent de plus en plus claires jusqu'à former des ensembles cohérents lorsque j'étais totalement immergée. Désormais, l'histoire pouvait reprendre.

Décembre 1755, Non loin de la Baie de l'Hudson
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Cinq ans se sont écoulés. La ferme des Camerons était devenue une véritable corne d'abondance. Nous échangions notre maïs contre des fruits que l'on ne trouvait que chez les Ottawas Nous étions en de très bons termes avec eux surtout grâce à Loup-Gris qui connaissait parfaitement leurs coutumes. Avec le temps ils apprirent à me faire confiance. Un beau jour, Loup Gris m'emmena dans les falaises. Il me disait qu'il fallait suivre à la "piste des étoiles" pour reprendre ses propres mots. Je ne savais pas vraiment de quoi il voulait parler. Nous grimpâmes encre et encore. Jusqu'à atteindre le sommet.

La vue était imprenable je n'avais encore jamais vu cela. Les vents frais battaient les arbres alentours me procurant une sensation de pureté. Il me demandait de fermer les yeux, ce que je fis. Je sentais qu'il tournait autour de moi, en chuchotant ce qui ressemblait à des incantations. La langue devait être celle des Ottawa, mais je n'étais sûr de rien, car les dialectes dérivés étaient nombreux. Mais je sentis comme une puissance revigoratrice s'insinuer en moi. Les vents tournoyaient autour de mon corps. J'avais l'impression de m'élever dans les airs. Puis soudain ce fut comme une vision par-delà les nuages, je ne saurai dire mais il me semble bien que... oui, je revois mon père, enfin peut-être lui je ne suis plus très sûre maintenant. Je le vis aux côtés d'une femme... belle, qui me ressemble comme deux gouttes d'eau, elle me salue avant le néant.
Je retombe sur le bord de la falaise manquant de tomber, je sentais une goutte de sueur perler. J'avais la respiration saccadée puis je lançais un regard vers Loup Gris qui maintenant n'était plus seul. Un Ottawa se tenait à ses côtés et m'adressait un sourire bienveillant.

- Qu'est-ce que c'était ? demandais-je encore sous le choc.

- N'as-tu pas compris ? Me demandait Loup-Gris.

- Je crains que non...

- Tu as sollicité les esprits, le coupa le vieil Ottawa. Tu leur as adressé une requête et les vents de notre mère la Terre leur a rapporté. Depuis ton arrivée parmi nous, j'ai senti une agitation chez nos ancêtres. Ils m'ont parlé de toi, de ta souffrance...

- Mais...

- Aussi meurtrie que fut ton âme, tu es resté toi-même. Tu as choisis ta voie. Je ne peux que t'approuver. Mais j'ai aussi senti une puissance en toi...

- Je vous demande pardon ? Demandais-je sentant que je perdais le fil de l'histoire.

- Un démon dort en toi. Hurlant vengeance pour la mort de ce que tu aimais. Tu l'as déjà suivi au moins une fois...

- Je... Je repensais à ce qui s'était passé au port de Milan quelques années plutôt, je fus prise d'un excès de rage et j'avais massacré cinq coupe-jarrets... enfin plutôt un double de moi.

- Mais ce démon m'a sauvé

Je vis le sage Ottawa s'approcher de moi. Pour me chuchoter à l'oreille.

- Il te sauvera encore et encore. Mais un jour il te fera faire une erreur, il suffit d'une fois alors dompte-le. Dompte cette puissance tapis à l'ombre de la douce Aurora. Ce n'est qu'à ce prix que tu retrouveras la paix intérieure, mon enfant.

Sur ces mots, je le vis marcher droit vers le bord de la falaise, puis il se dématérialisa pour devenir un monceau de feuilles, volant au gré du vent. Je ne savais pas vraiment comment prendre cet avertissement. Loup-Gris avait remarqué mon trouble et s'approcha de moi. Sans hésiter je le pris dans mes bras. Je me sentais vulnérable face à cette ombre qui ne s'était plus manifestée depuis cette terrible nuit sur les quais de Milan. Mais je sentais sa présence oppressante. J'éprouvais le besoin d'être protégée, qu'il y ait quelqu'un pour veiller sur moi et me conseiller sur les choix à faire. Je sais qu'aucun choix n'est bon ou mauvais, ils sont ce qu'ils sont avec leurs conséquences. Mais tout de même, m'attaquer à elle, revient à m'attaquer à une partie de moi, une partie qui m'a sauvé. Soudain Loup-Gris me tira de mes pensées en me chuchotant à l'oreille.

- Il n'a jamais été question de la détruire, juste que tu apprennes à ne jamais lui laisser l'initiative. Ce n'est pas elle la personne que j'aime...

- Pourtant elle fait bien partie de moi, de ma personne, répondis-je alors en larmes.

- C'est à toi de choisir ce que tu choisis de montrer aux autres. Il te faudra apprendre à lui imposer des règles pour que cela ne soit pas les autres qui les lui imposent. Telle est la liberté : s'imposer des lois pour ne subir celle des autres...

- Mais comment... répondis-je désemparée.

- La Route des étoiles... Il te faudra la suivre, étape par étape. Je serai à tes côtés, je t'aiderai à l'arpenter. Me dit-il d'une voix bienveillante...

Sans lui laisser le temps de finir je l'embrassais, il me rendit mon baiser avec beaucoup de douceur. Puis, il me prit dans ses bras et me ramena aux villages des Ottawas. Mon premier amour venait de commencer...

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Je revins à la surface. La respiration saccadée. Maintenant j'avais compris certaines choses, notamment l'origine de certaines connaissances en magie chamanique d'origine amérindienne, désormais je savais dans quel contexte, je les avais apprises.
Mais surtout je sentais une terrible inquiétude en moi, J'avais pris la décision de dompter mon double. J'ai dû forcément échouer... puisque ce n'est que maintenant, lors de mon retour sur ce monde que je suis parvenue à faire fusionner mes deux êtres... Et si... Et si c'était moi la coupable ? Et si de cela que Rex et Natalia voulaient me protéger en me privant de certains souvenirs ? Rien que d'y penser j'en avais les mains qui tremblaient. Je pris alors mon courage à deux mains et m'immergea de nouveau... Je devais en avoir de le cœur net...