Laura se trouvait dans le quartier de haute sécurité désormais, la porte anti-souffle venait de se fermer. Un garde se tenait devant elle, avec un document qu’il lui présenta avec un stylo. Eh oui, même en 2286 on utilise encore du papier et des stylos… du moins en RNC.
– Qu’est-ce que c’est ? Demanda la journaliste quelque peu suspicieuse… Elle nourrissait une méfiance viscérale envers cette armée dont elle a donné 5 ans de sa vie... et encore plus envers sa bureaucratie.
– Il s’agit d’une décharge de responsabilité. Vous devez la signer. Une fois que vous aurez franchis cette ligne au sol, nous ne sommes plus responsables de votre sécurité.
– C’est une blague j’espère ? Reprit la journaliste.
– C’est Santa-Golgotha ici et non pas une « prison » de luxe pour sénateur ou éleveur. Ou vous signez et vous y allez, ou vous ne signez pas et mes hommes vous raccompagneront… avec un bon coup de pied au cul pour le temps que vous nous aurez fait perdre. Est-ce assez clair… Madame ?
Elle s’exécuta. Deux gardes l’accompagnèrent jusqu’au bloc de détention 4, cellule 14. A l’origine c’était un magasin à munition. Avant la guerre, on y stockait les têtes nucléaires. Conséquences, la pièce était en béton armé avec un revêtement plombé, sans parler de la porte en acier trempé qui devait peser une bonne tonne au bas mot. La porte s’ouvrit dans un concert de sirène. Laura ne savait pas trop à quoi s’attendre... si les rumeurs disaient vrais… La peur commençait à l’envahir. Les gardes sortirent leurs armes....
– Cass… t’as de la visite, apparemment t’es célèbre, on te demande une interview !
– Sans déconner… répondit cette dernière.
Laura vit pour la première fois à quoi pouvait ressembler une Red Star. Cass ne les regardait même pas. Elle était en position de gainage, la sueur coulait le long de ses membres. Elle avait une carrure athlétique, des épaules et un dos sculptés, une cascade de cheveux roux, des yeux d’un vert profond… et de multiples cicatrices… blessures par balle, laser, coup de couteau, éclats d’obus… ce corps d’acier avait tout vu. Cass portait un treillis noir ajusté, des bottes à embout d’acier ainsi qu’une brassière. Pas besoin de plus compte tenu de la chaleur étouffante qui régnait dans le silo.
– Euh.... Vous êtes dans cette position depuis combien de temps ? Demanda timidement Laura.
– Depuis le dernier passage de la sentinelle ce qui fait au moins 3 heures.
Laura regardait autour d’elle… elle vit que Cass avait transformé sa cellule en salle de musculation improvisée : les poutrelles qui constituaient l’armature du silo faisaient de très bonnes barres de traction, le sol plat et ferme lui permettait de faire de nombreux exercices, elle vit aussi l’état déplorable de ses phalanges… puis son regard se déporta vers le conduit d’aération en aluminium… ce dernier était déformé et maculé de quelques traces de sang… Cela faisait 3 ans qu’elle était enfermée dans le silo et cela faisait 3 ans qu’elle s’entraînait à la dure… Comme si elle s'attendait à quelque chose…
– Bon, qu’est-ce que tu veux ? T’as pas une tronche de politique, ni de médecin et encore moins de militaire.
– J’ai pourtant fait l’armée… pendant 5 ans comme tout le monde….
– Genre dans le service de presse ? répondit Cass en ricanant…
– Mais comment vous….
– Je ne le savais pas… C’est juste que t’as pas une gueule à servir dans l’infanterie, ni dans l’artillerie. Les rangers… t’as pas le niveau physique, ni le niveau mentale… mais comme tu le dis, servir dans l’armée est obligatoire et il ne te restait pas grand-chose… mais heureusement, papa est là pour te trouver une place loin du front. Le pauvre il n’aurait pas supporté que tu te fasses tringler par une dizaine de légionnaires en rut... Cela ferait désordre....
Les gardes pouffèrent de rire. Laura était blême…. Elle ne s’attendait… pas à ça. Elle ne pouvait pas voir tout ça rien qu’à son faciesque… Non il y a autre chose…
– Cela vous fait rire bande de connards ? Vous vous croyez meilleures parce que vous êtes des mecs ? J’vais vous dire mes salopes, j’ai vue des mecs comme vous, bien balaises, bien viriles se faire démembrer par des légionnaires… il y avait même une cohorte… Les Red Hoakies qui avaient pour habitude d’émasculer chaque prisonnier mâle qu’ils attrapaient, l’idée était de faire en sorte que votre race de pédale disparaisse… et ils y croyaient dur comme fer à ces conneries…
Les gardes avaient vite chassé ce sourire qu’ils avaient aux lèvres.
– Maintenant foutez-moi le camp et ne revenez que lorsque je vous appellerai.
L’un des gardes voulut sortir sa matraque télescopique, mais le deuxième l’en empêcha.
– Sage décision mon loulou… Maintenant dehors !
Les gardes ne se firent pas prier. Ils partirent et refermèrent la porte derrière eux, sous le regard inquiet de Laura.
– T’en fais pas pouliche, tu seras bien plus en sécurité avec moi qu’avec ces fiottes de gardes…
– Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
– Les tolards de ce secteur, ce sont vraiment des fous dangereux : t’as quelques légionnaires bien cramés du ciboulot, il y a aussi quelques des mercos de la Compagnie de l’Ombre, le bras armé de House, il y a aussi des survivants des gangs de Salt Lake en plus de quelques tribaux shooté au Datura ou au Psycho…. De temps en temps ils piquent des crises… Et quand ça arrive les gardes se tirent vite fait… enfin ceux qui ne courent assez vite… Un accident… un accident qu’ils ont dit la dernière fois que c’est arrivé… Ils ont l’art de la formule ces cons-là. Mais je parle, je parle… qu’est ce qui t’amène dans ce trou de l’enfer pouliche ?
– Je voulais vous parler…
– Sans déconner...
– Mais sur un dossier particulier…
– C’est-à-dire ?
– Red Star…
– … T’es sûre de ton coup, Pouliche ?
– Je veux comprendre ce qui s’est passé sur la Longue 15… et plus encore je veux savoir qui ou quoi se cache derrière Red Star.
– Mais pourquoi tu t’intéresses à tout ça ?
– La RNC est en pleine crise politique et militaire, de nombreux vétérans se sont retrouvés abandonnés, désœuvrés, souffrant de terribles traumatismes, l’un d’eux m’a parlé de Red Star, qui les avait sauvé d’une mort certaine contre la Légion. On m'a parlé d'une rumeurs sur un duel entre Red Star et Marko dans une ville perdu de l’Utah. On dit aussi que le Légat Malpai qui aurait croisé la route des Red Star… j'ai aussi entendu parler d'un Courrier Numéro 6.
– Je vois que tu as déjà pris le temps d’étudier la question. Sauf que tu mélanges plein de choses… Ensuite… les rumeurs restent les rumeurs… il leur arrive d’occulter la réalité ou de la déformer.
– Justement… moi je veux découvrir la vérité. Je ne crois pas un mot de ce que racontent ces cons de sénateurs….
– Hanlon…
– Quoi Hanlon ?
– Si t’as l’occasion de le croiser, va le voir de ma part, il comprendra… il pourra t’apporter quelques réponses, car lui contrairement à la plupart de ses collègues, il a fait la campagne du Mojave et de Baja. Au fond c’est un mec réglo.
– J’en prends bonne note. Mais c’est vous que je suis venu voir. Si vous l’acceptez j’aimerai vous interviewer, sur votre périple au sein des Red Star, et sur le groupe en lui-même.
– Cela va être long ma p’tite… et… disons que tu risques de ne pas aimer ce que tu vas apprendre… Sans parler du fait que tu vas de te faire beaucoup d’ennemis, des ennemis mortels et papa ne pourra pas te couvrir cette fois…
– Si il voulait me couvrir, il aurait pu m’épargner bien des problèmes… Et puis… il faut bien que quelqu’un cherche la vérité… Je le dois au moins pour ceux qui sont morts là-bas dans ce putain de désert. Donc ma question est simple : Voulez-vous m’aider à faire éclater la vérité ? Oui ou non ?
Cass la jaugeait du regard, elle vit… de la sincérité, une touche de naïveté, mais surtout… de la détermination et de la peur. Elle était consciente qu’elle risquait d’ouvrir la Boîte de Pandore et que personne… oui… personne ne serait en mesure de prévoir les conséquences de cette aventure.
– OK je marche. Mais j’ai des conditions : primo je reste libre de répondre ou non aux questions que tu me poses. Ensuite, je veux être transférée dans un bâtiment en surface. j’aimerai revoir la lumière du soleil. Fais ça et on a un accord.
– C’est beaucoup me demander Cass… Qu’est ce qui me garantit que ce que vous allez me révéler aura de la valeur. Vous me demander de griller mes dernières cartouches politiques… sans aucune garantie…
– Ok alors prends ça comme un geste de bonne volonté : la tentative d’assassinat du président Kimball tu te souviens ? Contrairement à ce qui a été dit, ce ne sont pas les Rangers qui était en charge de sa protection mais le Groupe de Red Star. Et heureusement car 2 agents de la Légion s’étaient infiltrés et avaient saboté son vertiptère…
– Attendez… la tentative ratée fut un tir manqué depuis l’une des tours du barrage Hoover…
– Non… bien sûr que non… c’était un tir à longue distance (plus de 2000 mètres) avec un puissant vent de travers. Cela aurait nécessité un fusil anti-matériel, modifié avec des balles en carbure de tungstène… autant te dire que la légion n’avait ni le tireur ni le fusil sous la main et encore moins les munitions requises. Le but était de créer un vent de panique et d’orienter la sécurité dans une fausse direction. Pendant ce temps, le président serait évacué à bords de son vertiptère… piégé. Du moins c’est le scénario que nous avions envisagé, mais la légion est allé encore plus loin…
– Comment ça ?
– A ton avis ? c’était quoi le but de la légion sur ce coup-là ? Et pourquoi le président avait ramené son cul sur le Barrage Hoover ? Pour la propagande bien sûr… Dans ce putain de dossier tout est affaire de propagande…