Une chambre au calme et au frais, je posais mon ceinturon, rangeais mes affaires et, réflexe oblige, cachais une baguette sous l'oreiller et un pistolet sous le lit. Même si Poudlard est redevenu un lieu sûr et que le Seigneur des Ténèbres mange les pissenlits magiques par la racine, la phase des purges va commencer dans peu de temps et je ne serai pas surprise qu'elle commence dans cette école antique. Je me servis un verre de liqueur de Kyrène, un alcool très fort fabriqué par les gobelins de Lombardie, Ma terre de prédilection, ma Terre natale. Et je rouvris le carnet à la reliure de cuir de dragon, J'avais toute la nuit pour me replonger dans mon passé, enfin tant que la lueur des bougies me guiderait dans les tréfonds sinueux de ce dangereux passé qu'est le mien, je pris la plume et repris là où je m'étais arrêté.
27 mars 1738
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En été, il fait toujours beau à Florence. De fait, je ne supporte pas de mettre ces robes immondes à corset que mettent toutes les jeunes filles de la bonne société florentine. Etant de nature très discrète, tout le monde s'en était accommodé. Je ne me pointais jamais aux réceptions, cela ne m'intéressais pas, j'avais beau essayer d'intégrer les codes de la vie mondaine, mais cela entrait par une oreille et cela sortait par l'autre. Ah ! Et il faut dire aussi que je n'avais pas l'habitude de dilapider ainsi l'argent durement gagné par mes parents. Nous étions fortunés certes, mais cela n'a pas toujours été le cas. Et comme disait mon père, montrer sa richesse est le meilleur moyen de se la faire prendre. Fouquet, le ministre de Louis XIV en a fait les frais. Par conséquent, nous vivions largement en dessous de nos moyens, même si notre demeure était confortable. Les énormes quantités d'or que nous accumulions par notre commerce étaient discrètement transférées vers des coffres suisses ou lombards. Nous savions que le Vatican rencontrait des difficultés financières et que si la situation ne s'arrangeait pas bientôt, ils viendraient prendre l'or là où il se trouve, chez nous ou d'autres familles fortunées. La discrétion s'imposait donc. Mais quelque chose me dit que le nombre d'hérésie va croitre en flèche. D'abords les petites gens, car elles sont les plus vulnérables, puis les bourgeois car un peu trop riches pour être de bons catholiques, puis les nobles en derniers car certains d'entre eux avaient les moyens de riposter militairement.
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Soudain, la lueur mourut, je me retrouvais dans le noir... perdue dans les ténèbres de mes souvenirs. La fenêtre de la chambre était ouverte et je vis un magnifique ciel étoilé il me rappelait celui de la Nouvelle France à la fin de l'été.
D'une certaine manière, cela me fait du bien de reparler de tout cela, même si je redoute l'écriture de certains passages.
Mais trêve de pensées, il est près de trois heures du matin et il faut que je sois debout pour intégrer ma nouvelle classe : celle des septième années de Serdaigle. Très vite, je m'en remis aux pouvoirs bienveillants de Morphée.
Le lendemain je me rendis en cours avec les septièmes années de Serdaigle. Nous avions un cours de... comment ils disent déjà ? De DCFM? pas la moindre idée de ce que cela peut être.
Un Griffondor me regardait avec un petit air suffisant mais aussi un brin séducteur. Il s'approcha de moi, sûr de lui.
- Salut, t'as l'air un peu perdue on dirait. Il regarda mon emploi du temps et vit le cours DCFM et ajouta. DCFM c'est Défense Contre les Forces du Mal. La salle est au deuxième étage.
- Ah ok ! dis-je. Et bien merci bien.
- Je t'en prie. Au fait...
Je me retournais et le regardais droit dans les yeux. Cette fois il parut un poil déstabilisé C'était pas mon intention mais bon.
- Cela te tente de prendre un verre avec moi, Prés-au-Lard genre après les cours ?
Je maintenais mon regard, et le jaugeais, puis mon regard se posa sur sa cicatrice, puis j'observais que plusieurs filles me lançaient des regards assassins.
- Hum pourquoi pas, je te dirai ça après le cours.
Puis je repartis avec le groupe de Serdaigle. Je le sentis un peu déçu mais je tenais à temporiser. Et surtout ne pas avoir à m'occuper du troupeau de filles tapis derrière lui.
Ensuite, la moindre des choses serait de se présenter. Je sais qu'il est célèbre mais tout de même.
Nous entrâmes en cours. Nous fîmes connaissance avec le professeur Pouchkine, Un russe un peu brutale, mais avec de solides connaissances en matières de magie de combat. J'avais bien sûr entendu parler de Pouchkine, nos chemins s'étaient même croisés lors de la première guerre contre le Seigneur des Ténèbres, à l'époque, quelqu'un avait mis un contrat sur la tête de Serena Rookwood et Evan Rosier. Rosier se fit descendre avant que je parvienne à lui mettre la main dessus mais Rookwood, elle eut droit à une mort rapide et foudroyante, Et le brave Pouchkine m'avait alors servi d'informateur... à son insu bien entendu.
Cela dit, je doute qu'il reconnaisse mon visage car j'agissais toujours dans l'ombre. La discrétion étant la base de mon métier.
Alors qu'il houspillait certains élèves qui ne comprenaient rien à ce qu'il disait, je choisis de ressortir mon journal et de poursuivre mon histoire. Il faut savoir que je maîtrisais parfaitement ce qu'était en train d'expliquer ce ruskov de prof.
29 mars 1738
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Concernant notre famille, nous ne savions pas très bien dans quelle catégorie nous placer: nobles ou bourgeois ? A cette époque, je portais encore le nom de Spimello, donc aucune ascendance noble. Nous étions des marchands, les armes que nous vendions étaient les meilleures de Toscane, et le pire c'est que tout le monde était d'accords sur ce point, et cela expliquait les prix un peu trop cher au goût du Vatican. Seulement voila, si nous commencions à faire des remises, tout les nobles que nous armons vont en réclamer aussi et cela n'est pas acceptable.
D'un autre côté, le Vatican sauterait sur la première occasion pour nous embastiller ou de nous faire exécuter pour hérésie. Une accusation très pratique puisqu'elle ne peut se reposer sur des faits avérés ; cette méthode est éprouvée, ils l'ont utilisé contre les templiers (bien que le Vatican n'existait pas encore à cette époque), mais je ne suis pas sûre que le pingre de base ait eu l'occasion de lire les Chroniques de Geoffrey de Paris... Ah, faut pas rêver.
Maintenant la question que je me pose est qu'adviendra-t-il de nous ?
2 avril 1738
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Nous reçûmes aujourd'hui la visite de l'Oncle Spimello. Il représentait la branche bancaire de la famille. Rien de plus normal, c'est un lombard. C'est lui qui se chargeait de transférer nos richesses vers des places plus sûres et à qui, si le besoin s'en faisait sentir, - convertirait cet or en lettre de change, si nous avions besoin de quitter l'Italie en toute hâte. Il était aussi celui qui m'apprenait les "choses de la vie", pour reprendre ses propres mots. Mon pauvre père que Dieu s'il existe, ait son âme, s'échinait à l'armurerie, alors que ma mère arpentait l'Europe. J'appris plus tard qu'elle s'était installée en Angleterre.
Je choisis de le préciser maintenant car cela aura d'énormes conséquences sur mon devenir, même si je ne le savais pas encore.
Oncle Spimello, veille à ce que je sois une jeune femme des plus instruites ! Ainsi j'ai pu apprendre, l'anglais, l'histoire, le latin, les sciences, j'ai même pu prendre connaissance des véritables écrits de Galilée, grâce à un contact dans une imprimerie de Hollande: le Sidereus Nuncius, un petit chef d’œuvre sur l'astronomie. Mais surtout et cela je pense que c'était le plus important, l'art de l'épée et de la guerre. Je fus formée par un maître épéiste renommé, vétéran des guerres d'Italie. Il venait aussi hanter mes rêves les plus fous parfois. Oncle Spimello me disait toujours : tu as une longue vie devant toi ! Mais tu n'auras pas toujours l'occasion de t'instruire alors profites-en ! Je ne pouvais pas imaginer à quel point il avait raison. Savait-il à l'époque ce que j'étais vraiment ? Peut être, je n'en ai jamais eu la confirmation.
5 avril 1738
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Je m'entrainais dans la salle d'armes de l'école militaire de Florence. J'avais acquis avec le temps, une finesse dans le maniement de l'épée et du fleuret. J'étais fière et cela avait failli me coûter cher lorsque je vainquis de façon fort humiliante un autre cadet qui s'avérait être le fils du Duc de Florence (Rien que ça! si j'avais su je ne serais même pas venu, il était de notoriété publique qu'il ne supportait pas la défaite).
Mais à contre cœur et sous la pression de mon père je lui fis des excuses publiques. Je devais m'excuser pour avoir mis en évidence son incapacité à manier correctement une épée, un vrai comble. Mais laissons cette rancœur de côté, car un autre évènement allait survenir. En effet un autre cadet arriva dans la salle en hurlant "HABEMUS PAPAM", nous avons un pape ! Nous sommes sauvés ! Chacun fit une prière, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, sauf moi, une petite erreur que je corrigeais rapidement pour ne pas éveiller les soupçons. Il fut demandé qui occupera le Saint Siège désormais. Et le nom de San Seveyro de Layoza fut énoncé... Et merde, Parmi tous les cardinaux c'était celui que nous redoutions le plus ! Ce n'est pas un saint mais un diable de fanatique !
A ce moment là, j’espérais vraiment que ma famille ait anticipé l'arrivée de Layoza à la tête du Vatican, sinon je vous gage que nous serons tous morts le mois suivant.
J'en avais les mains qui tremblaient, je jetais un regard sur l'immense horloge du clocher de l’Église d'en face. Mon père devrait être au courant maintenant. En tout état de cause, avec l'arrivée de ce fou furieux qu'il aurait fallut enfermer dans une forteresse de Vauban, il va falloir jouer serré. Je réfléchissais à toute vitesse alors que je rentrais en toute hâte à la maison.
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Alors que j'écrivais ces mots, et que je repensais à ce moment de ma vie, j'avais les mains qui tremblaient également. Comme si à travers ce journal je ressentais exactement les mêmes émotions.
Des perles de sueur apparurent sur mon front, je me sentais de moins en moins à l'aise, il me fallait de l'air, j'entendais un bruit de fond, sûrement Pouchkine qui engueulait encore les élèves, puis je n'entendais plus que mon battement cardiaque.
"Boum, boum, boum"
- je veux quarante centimètres de parchemin sur ce sujet.
"Boum, boum, boum"
- Et ne vous avisez pas de me rendre ce devoir en retard!
"Boum, boum, boum"
Je sens que je vais m'évanouir, sortir d'ici, faut que je me tire... boum, boum, boum... d'ici !
- De Winther ! Ou allez-vous ? Le cours n'est pas fini !
Le rythme cardiaque s'accélérait à mesure que je revoyais les images de ce pape, Oh non ! Des flammes ! Ces masques d'acier ! NOOOOOOONNNNNN ! Et ce fut l'arrêt cardiaque total, puis le néant...